Les oeuvres lyriques de la seconde partie du XX° siècle provoquent chez moi des réactions diverses et pas toujours louangeuses.
Grâce à Arte, j'ai découvert, par un après-midi maussade, cette exception à la règle de la médiocrité.
Billy Budd est à l'origine une nouvelle d'
Herman Melville parue en 1924.
C'est en 1951 que l'écossais
Benjamin Britten (1913-1976) en fait un opéra, sur un livret adapté par
Eric Crozier et
E.M.Forster.
L'histoire se déroule initialement en 4 actes mais une version remaniée en deux actes voit le jour en 1964.
Composition classique dans sa structure narrative,
Billy Budd est résolument moderne dans sa partition.
C'est également un cas unique en ce qu'elle est chantée exclusivement par des hommes.
Billy Budd est un jeune matelot qui quitte le navire marchand The Rights of Man pour être enrôlé de force sur le navire de guerre The Bellipotent . À bord de ce dernier, Billy est enrôlé comme gabier de misaine. Il est le plus jeune des matelots et d'une beauté frappante. Il n'a aucun défaut si ce n'est celui de bégayer sous le coup de l'émotion. John Claggart, le capitaine d'armes, a une profonde aversion pour Billy, causée par l'amour qu'il provoque autour de lui et auquel il n'est paradoxalement pas insensible. Il rend compte au capitaine de vaisseau Edward Fairfax « Starry » Vere que Billy complote pour créer une mutinerie. Étant données les récentes mutineries dans la flotte britannique, le commandant Vere est contraint d'écouter ces allégations auxquelles il ne croit pas. Billy est confronté à Claggart pour se justifier. Sous le coup de l'émotion face à ces accusations infondées, Billy bégaye et n'arrive pas à s'expliquer. Impuissant, il frappe alors brutalement Claggart qui meurt sur le coup. Billy est condamné à la pendaison par une cour martiale composée des officiers du navire, à laquelle le capitaine ne peut qu'apporter son témoignage impuissant. Le matelot bénit Vere avant d'être pendu, ce qui évite la mutinerie de l'équipage.
Le propos est une mise en abîme du christianisme : la bonté incapable de s'exprimer est impuissante et condamnée; il expose les difficultés de l'individu face au groupe, l'antagonisme entre l'être et le faire, l'essence et l'action : on peut connaitre la chose juste à faire et être contraint de l'ignorer.
Tout cela baigné dans une homosexualité latente qui n'ose s'exprimer.
Sans doute ce dernier aspect a-t-il motivé
Britten et
Forster, gays connus et reconnus même sans avoir à sortir du placard...