Né à Pau le 5 juin 1867,
Paul-Jean Toulet est un poète et écrivain français.
Il perd sa mère à sa naissance et est confié à son oncle qui vit dans la Vallée d'Ossau.
En 1885, il part rejoindre son père à l'île Maurice puis s'installe à Alger où il publie ses premiers articles.
Débarqué à Paris en 1898, il devient le nègre de l'écrivain
Willy et est le colocataire du gastronome et critique
Curnonsky dont il partage les excès.
Il participe à de nombreuses revues et publie un premier roman.
Quittant la capitale en 1912, il s'installe chez sa soeur à Saint-Loubès puis à Guéthary où il se marie.
Sa vie est désormais obérée par la maladie qui l'emporte finalement le 6 septembre 1920.
Son oeuvre est passée au second plan quand on évoque cette période.
Mais sa poésie est remise en valeur aujourd'hui par divers artistes.
Entre autre son recueil
"Contrerimes", genre qu'il a créé.
En voici quelques exemples
I
Avril, dont l’odeur nous augure
Le renaissant plaisir,
Tu découvres de mon désir
La secrète figure.
Ah, verse le myrte à Myrtil,
L’iris à Desdémone :
Pour moi d’une rose anémone
S’ouvre le noir pistil.
IV
Ces roses pour moi destinées
Par le choix de sa main,
Aux premiers feux du lendemain,
Elles étaient fanées.
Avec les heures, un à un,
Dans la vasque de cuivre,
Leur calice tinte et délivre
Une âme à leur parfum
Liée, entre tant, ô Ménesse,
Qu’à travers vos ébats,
J’écoute résonner tout bas
Le glas de ma jeunesse.
XII
L’hiver bat la vitre et le toit.
Il fait bon dans la chambre,
A part cette sale odeur d’ambre
Et de plaisir. Mais toi,
Les roses naissent sur ta face
Quand tu ris près du feu…
ce soir tu me diras adieu,
Ombre, que l’ombre efface.
XIX
Circé des bois et d’un rivage
Qu’il me semblait revoir,
Dont je me rappelle d’avoir
Bu l’ombre et le breuvage ;
Les tambours du Morne Maudit
Battant sous les étoiles
Et la flamme où pendaient nos toiles
D’un éternel midi ;
Rêves d’enfant, voix de la neige,
Et vous, murs où la nuit
Tournait avec mon jeune ennui…
Collège, noir manège.
XXX
Quand nous fûmes hors des chemins
Où la poussière est rose,
Aline, qui riait sans cause
En me touchant les mains ; —
L’Écho du bois riait. La terre
Sonna creux au talon.
Aline se tut : le vallon
Était plein de mystère…
Mais toi, sans lymphe ni sommeil,
Cigale en haut posée,
Tu jetais, ivre de rosée,
Ton cri triste et vermeil.
XLIII
Ainsi, ce chemin de nuage,
Vous ne le prendrez point,
D’où j’ai vu me sourire au loin
Votre brillant mirage ?
Le soir d’or sur les étangs bleus
D’une étrange savane,
Où pleut la fleur de frangipane,
N’éblouira vos yeux ;
Ni les feux de la luciole
Dans cette épaisse nuit
Que tout à coup perce l’ennui
D’un tigre qui miaule.
XLVI
Douce plage où naquit mon âme ;
Et toi, savane en fleurs
Que l’Océan trempe de pleurs
Et le soleil de flamme ;
Douce aux ramiers, douce aux amants,
Toi de qui la ramure
Nous charmait d’ombre et de murmure,
Et de roucoulements ;
Où j’écoute frémir encore
Un aveu tendre et fier —
Tandis qu’au loin riait la mer
Sur le corail sonore.
LIV
Tout ainsi que ces pommes
De pourpre et d’or
Qui mûrissent aux bords
Où fut Sodome ;
Comme ces fruits encore
Que Tantalus,
Dans les sombres palus,
Crache, et dévore ;
Mon cœur, si doux à prendre
Entre tes mains,
Ouvre−le, ce n’est rien
Qu’un peu de cendre.
LXVI
Sur l’océan couleur de fer
Pleurait un chœur immense
Et ces longs cris dont la démence
Semble percer l’enfer.
Et puis la mort, et le silence
Montant comme un mur noir.
… Parfois au loin se laissait voir
Un feu qui se balance.
LXX
La vie est plus vaine une image
Que l’ombre sur le mur.
Pourtant l’hiéroglyphe obscur
Qu’y trace ton passage
M’enchante, et ton rire pareil
Au vif éclat des armes ;
Et jusqu’à ces menteuses larmes
Qui miraient le soleil.
Mourir non plus n’est ombre vaine.
La nuit, quand tu as peur,
N’écoute pas battre ton cœur :
C’est une étrange peine.