Pour ce centième article sur les comédies musicales, il me semble qu'il est enfin temps de remonter à l'origine de ma passion pour ce genre musical.
Nous sommes en 1978 et l'homme que je considère comme le meilleur compositeur de sa génération,
Michel Berger, rend publique la version studio de
"Starmania" l'opéra-rock qu'il vient de composer sur un livret et des lyrics du québécois
Luc Plamondon.
A cette époque, la comédie musicale est pour moi un genre de spectacle poussiéreux, un tantinet guimauve quand il n'est pas assorti de numéros de danse artificiels. Bref, l'image de la ringardise.
Aussi, cette présentation est une véritable révélation.
Donc, une comédie musicale peut être autre chose que ces filandreuses niaiseries américaines où les chansons semblent collées par dessus une intrigue indigente qui traine systématiquement dans le milieu du show business.
Car
"Starmania" est une oeuvre visionnaire :
Une vedette de la télévision
(Cristal) tombe amoureuse d'un loubard
(Johnny Rockfort), apprenti terroriste manipulé par une fille à papa déjantée
(Sadia); une star de cinéma sur le retour
(Stella Spotlight) s'accoquine avec un politicien extrémiste, ancien homme d'affaire,
(Zéro Janvier) qui se fait élire Président; un couple d'anonymes
(Marie-Jeanne et Ziggy), pris dans la spirale de la quête de célébrité, se retrouvent ballotés dans une succession d'événements qui débouchent inéluctablement sur la tragédie finale.
Tout cela ne vous rappelle rien ? Une société en crise qui se délite sur fond de violence et de manipulations ?
Cristal (France Gall) : "Monopolis"
En plus d'une distribution qui allie malicieusement interprètes confirmés
(Diane Dufresne, France Gall) et
révélations
(Daniel Balavoine, Fabienne Thibault) une mise en scène inventive et spectaculaire de
Jérôme Savary lui a fait tenir l'affiche pendant 1 mois au Palais des Congrès (avril-mai 1979) et réunir 100 000 spectateurs.
Créé l'année suivante à Montréal,
"Starmania" fait l'objet d'une reprise en 1988 au Théâtre de Paris pendant presqu'un an, cette fois dans une scénographie des auteurs et de nouveaux chanteurs majoritairement québécois
(Réjane Perry, Renaud Handson, Sabrina Lory et
Martine SaintClair).
Marie-Jeanne (Réjane Perry) : "La complainte de la serveuse automate"
S'en suit une tournée dans toute l'Europe, en particuliers en Russie.
Une version allemande ouvre ses portes en 1991 à Essen.
Cette même année sort le cd de la version anglaise, due à la plume de
Tim Rice, titrée
"Tycoon" avec des vedettes mondiales :
Céline Dion, Cindy Lauper, Peter Kingsbery, Kim Carnes, Tom Jones, Nina Hagen...
Johnny Rockfort (Peter Kingsbery) : "Only the very best"
Une reprise signée
Lewis Furey est montée en 1993. Pendant 8 ans le spectacle se produit à Paris quelques mois avant de partir en tournée dans toute la France.On y retrouve une nouvelle distribution,
Patsy Galland,
Isabelle Boulay, Richard Groulx, Franck Sherbourne, Bruno Pelletier et
Judith Bérard entre autres.
En novembre 2004, pour les 25 ans du show, l'Orchestre symphonique de Montréal joue Salle Wilfrid-Pelletier sous la direction de
Jacques Lacombe l'orchestration signée
Simon Leclerc.
Cristal et Zéro Janvier "L'interview" et
"Le blues du businessman"
Oeuvre prémonitoire du déclin de la société occidentale, pamphlet sur les médias, leurs dérives et leurs manipulations, satire du désir de gloire vaine de tout un chacun dans un monde en déliquescence, avertissement sur les liens incestueux entre violence et extrémisme ainsi que ceux qui régissent les médias et la politique :
"Starmania" est toujours d'actualité et le restera encore longtemps.