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Une page de partage sur tous les sujets, selon l'humeur de son auteur...sans tabou mais avec humour et (im)pertinence
Ce chant d'amour et de ferveur, le plus vibrant que nous ait légué la littérature de l'ancienne Egypte, passe pour avoir été rédigé par Akhenaton lui-même, vers 1360 av. J.-C. Plusieurs versions avec variantes en ont été retrouvées dans les sépultures saccagées des dignitaires de Tell el-Amarna. Voici les passages essentiels de l'exemplaire le plus complet provenant de la tombe de Ay.
» Quand tu disparais à l’occident du ciel,
le monde est dans l’obscurité comme dans la mort.
On dort dans les chambres, la tête couverte,
le regard ne peut rien apercevoir.
Si bien que si l’on dérobait des biens placés sous la tête,
on ne le remarquerait même pas.
Chaque lion quitte sa tanière,
chaque serpent mord,
règne l’obscurité, la terre est dans le silence,
car celui qui l’a faite repose dans son horizon.
» La terre s’illumine quand tu te lèves sur l’horizon ;
quand tu brilles comme Aton dans le jour,
tu chasses l’obscurité ;
lorsque tu lances tes rayons
les Deux-Terres sont en fête.
[ … ]
» Tu as fait la terre selon ton désir, toi seul,
et les hommes, le bétail, petit et grand,
tout ce qui sur la terre marche avec les jambes,
tout ce qui est en haut,
qui vole avec des ailes,
le pays de Kharou [Syrie] et le Koush [Nubie],
la terre d’Egypte.
Tu as mis chaque homme à sa place,
tu pourvoies à ses besoins ;
chacun a ses biens, son temps de vie.
[ … ]
» Tes rayons nourrissent tous les champs,
quand tu brilles, ils vivent et croissent par toi.
Tu as créé les saisons afin de parfaire tout ce que tu as fait,
l’hiver qui apporte la fraîcheur, et la chaleur que tu dispenses.
Tu as fait le ciel au loin afin d’y briller,
et de voir ta création.
Car tu es seul, brillant sous l’aspect de l’Aton vivant.
» Depuis que tu as créé la terre,
tu te lèves pour ton fils qui est né de ton corps,
le Roi qui vit par Maât, Seigneur des Deux-Terres,
Néferkheperourê Waenrê,
le fils de Rê qui vit par Maât, le Seigneur des Couronnes,
Akhenaton, grand dans son temps de vie,
et la Grande épouse royale qu’il aime, la Maîtresse des Deux-Terres,
Néfernefrou-Aton Néfertiti vivante pour l’Eternité. »
En ce temps-là j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance
J'étais à Moscou où je voulais me nourrir de flammes
Et je n'avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux
En Sibérie tonnait le canon, c'était la guerre
La faim le froid la peste et le choléra
Et les eaux limoneuses de l'Amour charriaient des millions de charognes
Dans toutes les gares je voyais partir tous les dernier trains
Personne ne pouvait plus partir car on ne délivrait plus de billets
Et les soldats qui s'en allaient auraient bien voulu rester...
Un vieux moine me chantait la légende de Novgorod
Moi, le mauvais poète, qui ne voulais aller nulle part, je pouvais aller partout(...)
J'étais très heureux, insouciant
Je croyais jouer au brigand
Nous avions volé le trésor de Golconde
Et nous allions, grâce au Transsibérien, le cacher de l'autre côté du monde
Je devais le défendre contre les voleurs de l'Oural qui avaient attaqué les saltimbanques de Jules Verne
Contre les khoungouzes, les boxers de la Chine
Et les enragés petits mongols du Grand-Lama
Alibaba et les quarante voleurs
Et les fidèles du terrible Vieux de la montagne (...)
Et pourtant, et pourtant
J'étais triste comme un enfant
Les rythmes du train
La "moëlle chemin-de-fer" des psychiatres américains
Le bruit des portes des voix des essieux grinçant sur les rails congelés
Le ferlin d'or de mon avenir
Mon browning le piano et les jurons des joueurs de cartes dans le compartiment d'à côté
L'épatante présence de Jeanne
L'homme aux lunettes bleues qui se promenait nerveusement dans le couloir et me regardait en passant
Froissis de femmes
Et le sifflement de la vapeur
Et le bruit éternel des roues en folie dans les ornières du ciel
Les vitres sont givrées
Pas de nature!
Et derrière, les plaines sibériennes le ciel bas et les grands ombres des taciturnes qui montent et qui descendent
Je suis couché dans un plaid
Bariolé
Comme ma vie
Et ma vie ne me tient pas plus chaud que ce châle écossais
Et l'europe toute entière aperçue au coupe-vent d'un express à toute vapeur
N'est pas plus riche que ma vie
Ma pauvre vie
Ce châle
Effiloché sur des coffres remplis d'or
Avec lesquels je roule
Que je rêve
Que je fume
Et la seule flamme de l'univers
Est une pauvre pensée...
Du fond de mon coeur des larmes me viennent
Si je pense, Amour, à ma maîtresse;
Elle n'est qu'une enfant que je trouvai ainsi
Pâle, immaculée au fond d'un bordel.
Ce n'est qu'une enfant, blonde rieuse et triste.
Elle ne sourit pas et ne pleure jamais;
Mais au fond de ses yeux, quand elle vous y laisse boire
Tremble un doux Lys d'argent, la fleur du poète.
Elle est douce et muette, sans aucun reproche,
avec un long tressaillement à votre approche;
Mais quand moi je lui viens, de ci, de là, de fête,
Elle fait un pas, puis ferme les yeux- et fait un pas.
Car elle est mon amour et les autres femmes N'ont que des robes d'or sur de grands corps de flammes, Ma pauvre amie est si esseulée, Elle est toute nue, n'a pas de corps -elle est trop pauvre.
Elle n'est qu'une fleur candide, fluette,
La fleur du poète, un pauvre lys d'argent,
Tout froid, tout seul, et déjà si fâné‚
Que les larmes me viennent si je pense à son coeur.
Et cette nuit est pareille à cent mille autres quand un train file dans la nuit
-Les comètes tombent-
Et que l'homme et la femme, même jeunes, s'amusent à faire l'amour.
Le ciel est comme la tente déchirée d'un cirque pauvre dans un petit village de pêcheurs
En Flandres
Le soleil est un fumeux quinquet
Et tout au haut d'un trapèze une femme fait la lune.
La clarinette le piston une flûte aigre et un mauvais tambour
Et voici mon berceau
Mon berceau
Il était toujours près du piano quand ma mère comme madame Bovary jouait les sonates de Beethoven
J'ai passé mon enfance dans les jardins suspendus de Babylone
Et l'école buissonière dans les gares, devant les trains en partance
Maintenant, j'ai fait courir tous les trains derrière moi
Bâle-Tombouctou
J'ai aussi joué aux courses à Auteuil et à Longchamp
Paris New-York
Maintenant j'ai fait courir tous les trains tout le long de ma vie
Madrid-Stokholm
Et j'ai perdu tous mes paris
Il n'y a plus que la Patagonie, la Patagonie qui convienne à mon immense tristesse, la Patagonie, et un voyage dans les mers du Sud
Je suis en route
J'ai toujours été en route
Le train fait un saut périlleux et retombe sur toutes ses roues
Le train retombe sur ses roues
Le train retombe toujours sur toutes ses roues
(...)
A partir d'Irkoutsk le voyage devint beaucoup trop lent
beaucoup trop long
Nous étions dans le premier train qui contournait le lac Baïkal
On avait orné la locomotive de drapeaux et de lampions
Et nous avions quitté la gare aux accents tristes de l'hymne au Tzar
Si j'étais peintre, je déverserais beaucoup de rouge, beaucoup de jaune sur la fin de ce voyage
Car je crois bien que nous étions tous un peu fou
Et qu'un délire immense ensanglantait les faces énervées de mes compagnons de voyage
Comme nous approchions de la Mongolie
Qui ronflait comme un incendie
Le train avait ralenti son allure
Et je percevais dans le grincement perpétuel des roues
Les accents fous et les sanglots
d'une éternelle liturgie
J'ai vu
J'ai vu les train silencieux les trains noirs qui revenaient de l'Extrême-Orient et qui passaient en fantôme
Et mon oeil, comme le fanal d'arrière, court encore derrière ses trains
A Talga 100 000 blessés agonisaient faute de soins
J'ai visité les hôpitaux de Krasnoïarsk
Et à Khilok nous avons croisé un long convoi de soldats fous
J'ai vu dans les lazarets les plaies béantes les blessures qui saignaient à pleines orgues
Et les membres amputés dansaient autour ou s'envolaient dans l'air rauque
L'incedie était sur toutes les faces dans tous les coeurs
Des doigts idiots tambourinaient sur toutes les vitres
Et sous la pression de la peur les regards crevaient comme des abcés
Dans toutes les gares on brûlait tous les wagons
Et j'ai vu
J'ai vu des trains de soixante locomotives qui s'enfuyaient à toute vapeur pourchassés par les horizons en rut et des bandes de corbeaux qui s'envolaient désespérément après
Disparaître
Dans la direction de Port-Arthur (...)
Nous sommes pour moitié ce que nous sommes
et pour moitié ce que nous pensons être.
Dans le torrent, une moitié parvient à la rive,
l'autre se noie.