mardi 28 septembre 2021

Les Carnets du Major Thompson

 

Connaissez vous le major Marmaduke Thompson ?

Ce digne officier de Sa Gracieuse Majesté a décidé, après la Seconde Guerre mondiale, de s'installer     dans l'Hexagone, abandonnant l'Empire des Indes, pour étudier la société française.

Ce sont ses notes que l'écrivain Pierre Daninos (Paris, 1913-2005) a prétendu avoir recueilli pour publier Les Carnets du Major Marmaduke W.Thompson, en 1954.


Dès l'année suivante, il est adapté au cinéma par le britannique Preston Sturges.


Traduit en 28 langues et ayant fait l'objet d'éditions scolaires (!), Les Carnets est un classique du livre d'humour. Pierre Daninos a, semble-t-il, parfaitement saisi l'esprit anglais et ses réflexions sont autant des critiques sur ses compatriotes que des considérations sur nos voisins d'Outre Manche.

Quelques citations pour votre édification :

Les Anglais ont des rites pour le thé et des habitudes pour l'amour. Les Français prennent pour l'amour les soins que nous réservons au thé.

Les parents français sont plutôt vexés si leur fils ne donne pas des signes d'intelligence précoce. Les Anglais sont inquiets s'il en manifeste.

Le bricolage consiste essentiellement à fabriquer avec de vieux débris, et au prix d'un labeur acharné, des articles que l'on trouve tout neufs et à bon compte dans le commerce courant.

La France est le seul pays du monde où, si vous ajoutez dix citoyens à dix autres, vous ne faites pas une addition, mais vingt divisions.
Il y a à peu près autant d'imbéciles en Angleterre qu'en France; seulement l'imbécile Anglais est un imbécile tout court, tandis que l'imbécile Français est un imbécile qui raisonne.

Au bout d'une heure, un Anglais dont vous venez de faire la connaissance vous invitera - si vous ne l'avez pas choqué par un excès d'intelligence ou de curiosité- à passer le week end dans son cottage. Au bout de cinq ans vous vous apercevrez que vous ne savez pas très bien s'il aime les femmes, les hommes ou les timbres- poste.
Au bout d'une heure, parfois avant, un français vous a expliqué comment et pourquoi il a été amené à délaisser sa femme qui est, vous fait il remarquer en passant, très gentille, un ange, mais voila, vous savez ce que c'est ( comment me permettrais-je de savoir?). Au bout de dix ans, vous constaterez que vous n'avez jamais passé une nuit sous son toit.

La France ? Une nation de bourgeois qui se défendent de l'être en attaquant les autres parce qu'ils le sont.

Les Français contemplent les femmes. Les Anglais les croisent.

Les Français sont peut-être des maîtres dans la conversation, mais ce sont des enfants lorsqu'il s'agit de parler du temps. C'est là une spécialité dont les Anglais sont les rois incontestés. Il faut d'ailleurs rendre cette justice aux Français qu'ils ne cherchent en aucune façon à faire concurrence à leurs voisins sur ce plan. En France, parler de la pluie et du beau temps, cela revient à avouer que l'on est incapable de parler d'autre chose. En Angleterre, c'est un devoir sacré et la marque d'une sérieuse éducation. Pour être un bon Anglais, il faut savoir parler du temps qu'il fait, du temps qu'il fit, du temps qu'il pourrait faire...

En France, où l'on brille par la parole, un homme qui se tait socialement se tue. En Angleterre, où l'art de la conversation consiste à savoir se taire, un homme brille par son côté terne.

Les Lyonnais se moquent des Marseillais, les Bordelais des Lillois (quand ce n'est pas des Landais), les Niçois des Toulousains, les Parisiens de toute la France et toute la France des Parisiens.

Je découvrais là, une nouvelle et fondamentale différence entre nos deux pays : les Anglais se disent sportifs lorsqu'ils font du sport. Les Français se disent sportifs lorsqu'ils en voient.

Comment définir ces gens -les français- (...) qui sont sous le charme lorsqu'un de leurs grands hommes leur parle de leur grandeur, de leur grande mission civilisatrice, de leur grand pays, de leur grandes traditions, mais dont le rêve est de se retirer, après une bonne petite vie, dans un petit coin tranquille, sur un prit bout de terre à eux, (...)

J'ai dit que vous étiez septiques, méfiants, parcimonieux. Le miracle, c'est que vous êtes également enthousiastes, confiants, généreux. Si demain vous deveniez disciplinés, exacts, silencieux, un grand malheur se serait abattu sur le monde. Car les défauts, chez vous, ne sont que l'envers de vos qualités. Votre nation de xénophobes est le refuge des étrangers ; vous ne résistez pas à la fraude et vous élèves vos enfants dans le culte du droit chemin ; votre peuple de petits bourgeois est celui des grands seigneurs ; vous êtes les gens les plus inhospitaliers de l'univers et votre pays est le plus accueillant du globe.

Chacun sait que, le monde entier English speaking, le privilège de l'Anglais est de ne comprendre aucune autre langue que la sienne. Et même s'il comprend, il ne doit en aucun cas s'abaisser à le croire.

À force d'entendre dire : « Faites comme tout le monde », on pourrait croire qu'en France, tout le monde fait comme tout le monde. Mais il n'y a pas un pays au monde où tout le monde semble autant ne vouloir faire comme personne et où les gens, assoiffés d'égalité, soient plus férus de passe-droits, coupe-file, billets de retour, etc.

Il existe, je dois le dire, une grande différence entre la province et Paris.
En province, on vous avertit tout de suite que "c'est très fermé"...
A Paris, on ne vous reçoit pas, on vous sort.

S'étant ainsi enquis de leur santé respective, de celle de leurs proches et des enfants ...les Français passent au : Qu'est ce que vous devenez ?
A l'encontre des Anglais qui ne se posent jamais une question aussi angoissante, les Français veulent absolument savoir ce qu'ils deviennent. C'est à dire qu'en une minute il faut leur dire si l'on ne divorce pas, si l'on n'a pas déménagé et surtout si l'on est ...toujours au Crédit Lyonnais !

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