Après vous avoir parlé de la bonne blague perpétrée par Romain Gary, je vous invite à découvrir une curieuse manipulation.
Né le 1er mars 1944 à Arcachon, Yann Houssin a été professeur de philosophie au lycée Alphonse-Daudet de Nimes pendant 30 ans.
A partir de 1964 il va diffuser l'oeuvre poétique posthume d'un certain Tristan Cabral, qui se serait suicidé en 1972 à moins de 30 ans.
Or, il s'avère que le dit poète n'est autre que le pseudonyme de Yann Houssin et que les textes publiés sous ce nom sont en fait les siens.
Il publie ainsi plus d'une vingtaine de recueils de poésie de 1964 à 2019.
Yann Houssin décède le 22 juin 2020.
On peut donc dire que le poète Tristan Cabral, suicidé en 1972, est définitivement mort en 2020 !
Les poètes ne sont décidemment pas des gens comme les autres...
Je voulais vous faire partager quelques uns de ces poèmes et vous faire juge du talent de cet écrivain fantôme :
Extraits du recueil "Ouvrez le feu !"
C’est pourquoi j’ai vécu au rythme des marées
Entre les hommes et dieu je n’ai pas pu choisir
Poisson-lune égaré sur un trottoir vitreux
Je n’ai fait que passer sans pouvoir respirer
Un enfant replié s’est pris dans ma mémoire
qui m’empêche d’atteindre le pays d’où je viens
Quand trouverai-je enfin de quoi crever mes yeux
sur le plancher glissant d’une barque fantôme
Si je viens à mourir qu’on me jette à la mer
dans l’aube bleue des sables je trouverai ma route
J’arriverai enfin à cette grande fête
où mon corps fait surface
à l’intérieur du sel
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attelés à leurs cris
qui avancent de face
sur des chemins possibles
ils nous jettent des mots
simples comme les pierres
leur royaume visible
est une route droite
ils entrent par effraction
dans nos yeux éboulés
et suivent des aurores
qui toujours se rassemblent
ils creusent leurs demeures
dans les charpentes mortes
pour apporter aux évidences
le démenti formel
d'un battement de cœur
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et même quatre que je ne comprends pas
le chemin de l’oiseau dans le ciel
le chemin du serpent sur la pierre
le chemin du bateau sur la mer
et le chemin de l’homme dans la jeune femme
mais je veux te comprendre
comme la corde comprend la main
comme la terre comprend la pluie
comme le sable comprend la mer
comme le bois comprend le feu
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Extrait de "Le passeur de silence"
Dans la nuit survivante les hommes sont contagieux
il y a des fusils plus lourds que les épaules
j’ai vu tomber la neige grise des phalènes
et le corps maternel excisé sous les arbres
mais quand l’écorce enfin aura pitié de l’arbre
quand les oiseaux aveugles chanteront malgré tout
les vagues arriveront jusqu’aux maisons ardentes
alors nous irons seuls dans nos vêtements de pierre
nues sous leur peau les femmes allumeront l’aurore
et j’irai parmi vous comme un crime qui revient
il y a des fusils plus lourds que les épaules
j’ai vu tomber la neige grise des phalènes
et le corps maternel excisé sous les arbres
mais quand l’écorce enfin aura pitié de l’arbre
quand les oiseaux aveugles chanteront malgré tout
les vagues arriveront jusqu’aux maisons ardentes
alors nous irons seuls dans nos vêtements de pierre
nues sous leur peau les femmes allumeront l’aurore
et j’irai parmi vous comme un crime qui revient
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Le voleur de lumièreDe l'autre côté du ciel
il y a un homme qui vient
un démarcheur d'étoiles
et il vient sur la mer
avec dans ses mains seules
une grenade ouverte
il marche derrière ses yeux
sort le ciel de sa poche
et s'y regarde enfin
une fois l'an
il porte
des moissons de miracles
en tenant à la main une grenade ouverte
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Extraits de "Et sois cet océan"
Dans le fond de mes veines
J’ai sur ma vie des années de retard
Mes chevaux bleus sont dévêtus
Tous mes bateaux sont déchirés
Et de l’eau coule dans mes yeux
Quand je ne rêve pas
J’ai caché des années dans le fond de mes poches
Et j’ai porté au bras des nuits
Un soleil templier
Comme une écharpe de mourir
J’ai sur ma vie des années de retard
Au fond de mes silences
Il y a une vie qui ressemble aux falaises
Il y a des enfants derrière des volets d’or
Des chutes lumineuses entre mes bras trop courts
Et un air de piano qui vient du fond des temps
(…)
Au fond de mes silences
Il y a des épaules vêtues de bras fleuris
Et des ruisseaux de givre
Des musiques natales et des marées de rêves
Il y a de longs cheveux d’errance
Des routes calmes dans leurs gants pâles
Et des tambours voilés sur les arbres guerriers
Il y a de lourdes treilles chargées de lueurs vives
Et ces châles de morts dont on drape les chaises
Mon dieu quel grand courage il faut pour être fou
Je n’aurai jamais assez de mes éternités !
Dans le fond de mes veines
J’ai sur ma vie des années de retard
Mes chevaux bleus sont dévêtus
Tous mes bateaux sont déchirés
Et de l’eau coule dans mes yeux
Quand je ne rêve pas
J’ai caché des années dans le fond de mes poches
Et j’ai porté au bras des nuits
Un soleil templier
Comme une écharpe de mourir
J’ai sur ma vie des années de retard
Au fond de mes silences
Il y a une vie qui ressemble aux falaises
Il y a des enfants derrière des volets d’or
Des chutes lumineuses entre mes bras trop courts
Et un air de piano qui vient du fond des temps
(…)
Au fond de mes silences
Il y a des épaules vêtues de bras fleuris
Et des ruisseaux de givre
Des musiques natales et des marées de rêves
Il y a de longs cheveux d’errance
Des routes calmes dans leurs gants pâles
Et des tambours voilés sur les arbres guerriers
Il y a de lourdes treilles chargées de lueurs vives
Et ces châles de morts dont on drape les chaises
Mon dieu quel grand courage il faut pour être fou
Je n’aurai jamais assez de mes éternités !
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Mémoires d’abîme
il y a longtemps que je ne vis plus ici
je ne prends plus le bras de la pluie pour sortir
et que pourrais-je dire des étés invisibles
où je sauvais la mort sur les restes du jour
certains jours je mettais des années de côté
et mes yeux repoussaient à chaque démesure
je donnais des oublis au fond des parcs sombres
et j’ai su quelquefois ressembler à ma voix
j’ai même accompagné les invasions secrètes
et des blessures m’ont fait la peau
quand on fêtait les guerres
je me joignais aux grands défigurés
je marchais dans ma chute
je ne changeais jamais les murs
et parfois j’ai confié mon visage à l’abîme
surtout ces temps de chien où j’étais mis à prix
je n’avais de pitié pour les terres habitées
et quand les jours ne m’allaient plus
je mettais mon passé pour traverser vos rues
je n’avais plus que mon silence à vous donner
il y a longtemps que je ne vis plus ici
l’oiseau s’est séparé de son vol inutile
alors après ma mort
ne fouillez pas mes poches
vous n’y trouveriez rien qu’une barque fantôme
il y a longtemps que je ne vis plus ici
je ne prends plus le bras de la pluie pour sortir
et que pourrais-je dire des étés invisibles
où je sauvais la mort sur les restes du jour
certains jours je mettais des années de côté
et mes yeux repoussaient à chaque démesure
je donnais des oublis au fond des parcs sombres
et j’ai su quelquefois ressembler à ma voix
j’ai même accompagné les invasions secrètes
et des blessures m’ont fait la peau
quand on fêtait les guerres
je me joignais aux grands défigurés
je marchais dans ma chute
je ne changeais jamais les murs
et parfois j’ai confié mon visage à l’abîme
surtout ces temps de chien où j’étais mis à prix
je n’avais de pitié pour les terres habitées
et quand les jours ne m’allaient plus
je mettais mon passé pour traverser vos rues
je n’avais plus que mon silence à vous donner
il y a longtemps que je ne vis plus ici
l’oiseau s’est séparé de son vol inutile
alors après ma mort
ne fouillez pas mes poches
vous n’y trouveriez rien qu’une barque fantôme
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