lundi 26 novembre 2012

Duras, forcement Duras




Elle, vous la connaissez.
Marguerite Duras, nom de plume de Marguerite Donnadieu, née le 4 avril 1914 à Gia Dinh (Viet Nam) et décédée le 3 mars 1996 à Paris, était une romancière, essayiste, scénariste, dramaturge et cinéaste française.

Elle a été beaucoup moquée par les humoristes, qui lui ont reproché son style trop limpide ou les lenteurs de ses pièces et films, mais je me suis attaché à certaines de ses productions.

Tout d'abord, le théâtre.

Savannah Bay (1982)

Deux femmes. Une agée, comédienne, l'autre plus jeune qui pourrait être sa petite-fille. Ou pas.
Entre elles deux, une enfant morte et l'histoire d'un amour sorti des eaux bleues de Savannah Bay, un jour de canicule.Un an plus tard, la plus jeune retourne dans les eaux de la baie pour y mourir.

Une histoire éclatée, comme toujours chez Duras, puzzle de fragments, de moments qui se poursuivent, se choquent sans chronologie linéaire.



Le cinéma, bien sûr.

India Song (1975)

Dans l’Inde britannique des années 1930, à l'ambassade de France de Calcutta, des voix évoquent le souvenir d’une femme aujourd’hui disparue et inhumée au cimetière de la ville : Anne-Marie Stretter, autrefois épouse de l’ambassadeur… Un soir, lors d’une réception à l’ambassade et dans la torpeur estivale de la mousson, le vice-consul de France à Lahore avait crié son amour à Anne-Marie au beau milieu de la réception...

Originalité bien durassienne : la bande son est désynchronisée des images, si bien qu'aucun des personnages ne parle en "live".


Mais le principal de son oeuvre est littéraire.

Détruire, dit-elle (1969)

Temps couvert.
Les baies sont fermées.
Du côté de la salle à manger où il se trouve, on ne peut pas voir le parc.
Elle, oui, elle voit, elle regarde. Sa table touche le rebord des baies.
A cause de la lumière gênante, elle plisse les yeux. Son regard va et vient. D'autres clients regardent aussi ces parties de tennis que lui ne voit pas.
Il n'a pas demandé de changer de table.
Elle ignore qu'on la regarde.
Il a plu ce matin vers cinq heures.
Aujourd'hui c'est dans un temps mou et lourd que frappent les balles. Elle porte une robe d'été.
Devant elle, il y a le livre. Commencé depuis son arrivée à lui ? ou encore avant ?
Près du livre il y a deux flacons de pilules blanches. Elle en prend à chaque repas. Quelquefois elle ouvre le livre. Puis elle le referme presque aussitôt. Elle regarde le tennis.
Sur d'autres tables d'autres flacons, d'autres livres.
Les cheveux sont noirs, gris-noir, lisses, ils ne sont pas beaux, secs. On ne sait pas la couleur des yeux qui, lorsqu'elle se retourne, restent encore crevés par la lu­mière, trop directe, près des baies. Autour des yeux, lorsqu'elle sourit, la chair est déjà délicatement laminée. Elle est très pâle.
Aucun des clients de l'hôtel ne joue au tennis. Ce sont des jeunes gens des environs. Personne ne se plaint.
- C'est agréable, cette jeunesse. Ils sont d'ailleurs discrets.
Aucun autre que lui ne l'a remarquée.
- On se fait à ce bruit.
Il y a six jours quand il est arrivé elle était déjà là, le livre devant elle et les pilules, enfermée dans une longue veste et un pantalon noir. Il faisait frais.
Il avait remarqué l'élégance, la forme, puis le mouvement, puis le sommeil chaque jour dans le parc, puis les mains.
Quelqu'un téléphone.
La première fois elle était dans le parc. Il n'a pas écouté le nom. La deuxième fois, il l'a mal entendu.
Quelqu'un téléphone donc après la sieste. Une consigne sans doute.

Soleil. Septième jour.
La voici encore, près du tennis, sur une chaise longue blanche. Il y a d'autres chaises longues blanches vides pour la plupart, vides, naufragées face à face, en cercle, seules.
C'est après la sieste qu'il la perd de vue.
Du balcon il la regarde. Elle dort. Elle est grande, ainsi morte, légèrement cassée à la charnière des reins. Elle est mince, maigre.
Le tennis est désert à cette heure-là. On n'a pas le droit d'en faire pendant la sieste. Il reprend vers quatre heures, jusqu'au cré­puscule.



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