lundi 21 août 2017

Maurice Maeterlinck, les belles lettres belges


Maurice Maeterlinck est un monument de la littérature européenne.

Né à Gand le 29 août 1862, il publie très jeune un recueil de poèmes "Serres Chaudes" (1889) qui va le faire connaître et reconnaître par ses pairs français.

La poésie n'est pas son seul fait d'armes : il est également dramaturge et contribue avec d'autres grandes figures comme Ibsen, Strinberg ou Tchekhov à renouveler le drame théâtral.

L'oiseau bleu, La Princesse Maleine et surtout Pelléas et Melisande, mis en musique par de nombreux compositeurs (le plus célèbre étant Claude Debussy) sont toujours au répertoire de plusieurs troupes célèbres de par le monde.

Maeterlinck traduit aussi les écrits d'un religieux du 14è siècle, Jan van Ruusbroec.
Il se passionne pour l'étude des sociétés animales (La vie des abeilles, La vie des termites, La vie des fourmis) et des végétaux (L'intelligence des fleurs) : ces essais imagés mais scientifiques sont reconnus comme des considérées comme des précurseurs de la science naturaliste moderne.

C'est sans doute la somme de ces créations qui lui valent en 1911 de recevoir le Prix Nobel de Littérature.

Il est à ce jour le seul récipiendaire belge de cette distinction.

Figure du symbolisme, il conçoit et fait réaliser Orlamonde, sur les hauteurs de Nice, sa résidence où il finit ses jours le 6 mai 1949. Cette maison est désormais connue sous le nom de Palais Maeterlinck et est située sur le boulevard qui porte son nom.


Je vous propose de parcourir quelques morceaux de son oeuvre poétique :

Heures ternes

Voici d'anciens désirs qui passent,
Encor des songe de lassés,
Encor des rêves qui se lassent ;
Voilà les jours d'espoir passés !

En qui faut-il fuir aujourd'hui !
Il n'y a plus d'étoile aucune :
Mais de la glace sur l'ennui
Et des linges bleus sous la lune.

Encor des sanglots pris au piège !
Voyez les malades sans feu,
Et les agneaux brouter la neige ;
Ayez pitié de tout, mon Dieu !

Moi, j'attends un peu de réveil,
Moi, j'attends que le sommeil passe,
Moi, j'attends un peu de soleil
Sur mes mains que la lune glace

Ame chaude

O mes yeux que l'ombre élucide
A travers mes désirs divers,
Et mon coeur aux rêves ouverts,
Et mes nuits dans mon âme humide !

J'ai trempé dans mon esprit bleu
Les roses des attentes mortes ;
Et mes cils ont fermé les portes
Sur des voeux qui n'auront plus lieu.

Mes doigts, aux pâles indolences
Elèvent en vain, chaque soir,
Les cloches vertes de l'espoir
Sur l'herbe mauve des absences.

Et mon âme impuissante a peur
Des songes aigus de ma bouche,
Au milieu des lys que j'attouche ;
Eclipse aux moires de mon coeur !..

Chansons, II

Et s'il revenait un jour
Que faut-il lui dire?
- Dites-lui qu'on l'attendit
Jusqu'à s'en mourir...

Et s'il m'interroge encore
Sans me reconnaître?
- Parlez-lui comme une sœur,
II souffre peut-être...

Et s'il demande où vous êtes
Que faut-il repondre?
- Donnez-lui mon anneau d'or
Sans rien lui répondre...

Et s'il veut savoir pourquoi
La salle est déserte ?
- Montrez-lui la lampe éteinte
Et la porte ouverte...

Et s'il m'interroge alors
Sur la dernière heure?
- Dites-lui que j'ai souri
De peur qu'il ne pleure...


Âme de nuit

Mon âme en est triste à la fin ;
Elle est triste enfin d’être lasse,
Elle est lasse enfin d’être en vain,
Elle est triste et lasse à la fin
Et j’attends vos mains sur ma face.

J’attends vos doigts purs sur ma face,
Pareils à des anges de glace,
J’attends qu’ils m’apportent l’anneau ;
J’attends leur fraîcheur sur ma face,
Comme un trésor au fond de l’eau.

Et j’attends enfin leurs remèdes,
Pour ne pas mourir au soleil,
Mourir sans espoir au soleil !
J’attends qu’ils lavent mes yeux tièdes
Où tant de pauvres ont sommeil !

Où tant de cygnes sur la mer,
De cygnes errants sur la mer,
Tendent en vain leur col morose !
Où, le long des jardins d’hiver,
Des malades cueillent des roses !

J’attends vos doigts purs sur ma face,
Pareils à des anges de glace,
J’attends qu’ils mouillent mes regards,
L’herbe morte de mes regards,
Où tant d’agneaux las sont épars !

Âme de serre

Je vois des songes dans mes yeux ;
Et mon âme enclose sous verre,
Éclairant sa mobile serre,
Affleure les vitrages bleus.

Ô les serres de l’âme tiède,
Les lys contre les verres clos,
Les roseaux éclos sous leurs eaux,
Et tous mes désirs sans remède !

Je voudrais atteindre, à travers
L’oubli de mes pupilles closes,
Les ombelles autrefois roses
De tous mes songes entrouverts...

J’attends pour voir leurs feuilles mortes
Reverdir un peu dans mes yeux ;
J’attends que la lune aux doigts bleus
Entrouvre en silence les portes.


Reflets

Sous l’eau du songe qui s’élève,
Mon âme a peur, mon âme a peur !
Et la lune luit dans mon cœur,
Plongé dans les sources du rêve.

Sous l’ennui morne des roseaux,
Seuls les reflets profonds des choses,
Des lys, des palmes et des roses,
Pleurent encore au fond des eaux.

Les fleurs s’effeuillent une à une
Sur le reflet du firmament,
Pour descendre éternellement
Dans l’eau du songe et dans la lune.


Feuillage du coeur

Sous la cloche de cristal bleu
De mes lasses mélancolies,
Mes vagues douleurs abolies
S’immobilisent peu à peu :

Végétations de symboles,
Nénuphars mornes des plaisirs,
Palmes lentes de mes désirs,
Mousses froides, lianes molles.

Seul, un lys érige d’entre eux,
Pâle et rigidement débile,
Son ascension immobile
Sur les feuillages douloureux,

Et dans les lueurs qu’il épanche
Comme une lune, peu à peu,
Élève vers le cristal bleu
Sa mystique prière blanche.

Serre d’ennui

O cet ennui bleu dans le cœur !
Avec la vision meilleure,
Dans le clair de lune qui pleure,
Et mes rêves bleus de langueur !

Cet ennui bleu comme la serre,
Où l’on voit closes à travers
Les vitrages profonds et verts,
Couvertes de lune et de verre ;

Les grandes végétations
Dont l’oubli nocturne s’allonge,
Immobilement comme un songe,
Sur les roses des passions ;

Où de l’eau très lente s’élève,
En mêlant la lune et le ciel
En un sanglot glauque éternel,
Monotonement comme un rêve.


Serre chaude

O serre au milieu des forêts !
Et vos portes à jamais closes !
Et tout ce qu’il y a sous votre coupole !
Et sous mon âme en vos analogies !

Les pensées d’une princesse qui a faim,
L’ennui d’un matelot dans le désert,
Une musique de cuivre aux fenêtres des incurables.

Allez aux angles les plus tièdes !
On dirait une femme évanouie un jour de moisson ;
Il y a des postillons dans la cour de l’hospice ;
Au loin, passe un chasseur d’élans, devenu infirmier.

Examinez au clair de lune !
(Oh rien n’y est à sa place !)
On dirait une folle devant les juges,
Un navire de guerre à pleines voiles sur un canal,
Des oiseaux de nuit sur des lys,
Un glas vers midi,
(Là-bas sous ces cloches !)
Une étape de malades dans la prairie,
Une odeur d’éther un jour de soleil.

Mon Dieu ! Mon Dieu ! quand aurons-nous la pluie,
Et la neige et le vent dans la serre !


Le dernier port
 (Chanson de fou)

Encore un printemps mort,
Encore un an qui fuit…
Nous entrerons au port
Quand tombera la nuit.

Nous entrerons au port
Quand nous n’y verrons plus.
Nous y serons encore
Quand nous ne serons plus…

Ceux qui l’avaient cherché
Ne l’ont pas encore vu…
Ils n’avaient rien trouvé,
Ils avaient tout perdu…

Ils trouveront ici
Ce qu’ils cherchaient encore
Et dans l’eau de la mort
Ils sombreront aussi…


À toute âme qui pleure

À toute âme qui pleure,
À tout péché qui passe,
J’ouvre au sein des étoiles
Mes mains pleines de grâces.

Il n’est péché qui vive
Quand l’amour a parlé;
Il n’est âme qui meure
Quand l’amour a pleuré. . .

Et si l’amour s’égare
Aux sentiers d’ici-bas,
Ses larmes me retrouvent
Et ne s’égarent pas. . .


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