jeudi 2 janvier 2020

Auguste Detoeuf, industriel philosophe


Auguste Albert Prudent Detoeuf est né le 6 août 1883 à Lens.

Elève de la promotion 1902 de Polytechnique, ingénieur général des Ponts et Chaussées, il débute sa carrière professionnelle aux travaux hydrauliques de la Marine à Cherbourg en 1908.

Intéressé par les problèmes d'exploitation des ports, il met ses idées en pratique pendant la Première Guerre Mondiale.
Commissaire technique des voies navigables, il est directeur du port de Strasbourg quand il est embauché pour devenir directeur général de Thomson-Houston.
Puis, de 1928 à 1940, il est Président de la société Alsthom qui remplace Thomson-Houston après la fusion avec une partie de la Société Alsacienne de Construction Mécanique.

Très impliqué dans les questions sociales de son temps, il prononce un discours en 1936, devant le Groupe-X - think-tank d'anciens de Polytechnique - intitulé "La fin du libéralisme".
En 1938, il participe activement au colloque Walter Lippmann, qui regroupe 28 économistes du monde entier pour réfléchir aux capacités du libéralisme à faire face aux problèmes contemporains et à l'évolution de la société.
Il s'y oppose à l'autrichien Ludwig von Mises, thuriféraire du libéralisme.

Detoeuf est aussi un des fondateurs de la revue "Nouveaux Cahiers" qui milite pour un rapprochement entre patronat et syndicats ouvriers.

Après avoir présidé pendant l'Occupation un comité d'organisation des industries électriques, il devient, à la Libération, chroniqueur économique au Figaro.

Il meurt à Neuilly-sur-Seine le 11 avril 1947.

Mais sa postérité ne se limite pas à l'industrie.
Il a publié plusieurs ouvrages de sociologie, d'économie sociale et politique.

Mais il est surtout l'auteur immortel (?) de "Propos d' O.L.Barenton, confiseur, ancien élève de l'Ecole Polytechnique".

Ce livre est un recueil d'aphorismes sur l'existence, les rapports humains qui démontrent l'acuité de l'esprit d'Auguste Detoeuf.

La preuve :

Le pourboire est un facultatif catégorique. On a le droit de n'en pas donner, on n' en a pas la liberté

Evitez ceux qui parlent de leur honnêteté, ils vous roulent.
Traitez avec celui qui se vante d'avoir roulé autrui, c'est qu'il n'en a pas l'habitude.

Méfiez vous de l'homme qui parle pour ne rien dire. Ou il est stupide et vous perdez votre temps; ou il est très fort et vous perdez votre argent.

La publicité c'est la gloire du riche. La gloire, c'est la publicité du pauvre.

Le capital est du travail accumulé. Seulement comme on ne peut pas tout faire, ce sont les uns qui travaillent et les autres qui accumulent.

Ce n'est pas au bas du mur qu'on connait le maçon, c'est tout en haut.

Il n(y a que d'immortels principes, puisque, du jour où un principe meurt on s'aperçoit que ce n'était qu'un paradoxe.

Personne ne croit aux experts mais tout le monde les écoute.

La véritable épreuve de l'amitié c'est le succès : car le malheur ne réclame que du secours et ne risque que la résistance de l'avarice; tandis que le succès voudrait de l'affection et ne rencontre que l'envie.

Un bel enterrement n'est pas une improvisation. Il faut y consacrer sa vie.

On est sur qu'une entreprise marche bien du jour où chacun de ceux qui y sont employés raconte à ses amis que c'est lui qui la fait marcher.

Beaucoup de médiocres réussissent. La médiocrité rassure.

Il est heureux que la proportion des gens intelligents soit faible. Si tous l'étaient, rien ne serait possible.

Le conseil d'administration est l'antichambre du cimetière. Mais c'est une antichambre si bien chauffée !

Un arbitre est chargé de couper la poire en deux avec du fil à couper le beurre.

Avoir fait fortune, c'est posséder un peu plus d'argent que les gens qu'on fréquentait la veille. Juste assez pour pouvoir les laisser tomber.

L'Anglais est un praticien qui n'a pas de théorie.
L'Allemand, un théoricien qui applique ses théories.
Le Français, un théoricien qui ne les applique pas : c'est ce qu'on appelle chez nous, avoir du bon sens.

Il faut écouter les vieillards : il y a toujours dans ce qu'ils disent un peu de vérité. Mais il ne faut pas leur obéir, car ils ont perdu ce qui faisait leur force : la jeunesse.

On fait tout avec de l'argent. Excepté des hommes.

Il y a en tout homme deux êtres : lui-même et l'opinion publique. Formée en lui, avec sa pensée, au temps qu'on l'éduquait, sans cesse rappelée à lui, du dehors et du dedans, elle le pénètre, au point qu'il a bien du mal à discerner ce qu'il resterait de lui, elle disparue.

Un homme arrivé ne bouge plus.

Aide-toi, l'État ne t'aidera pas.

On peut se servir de la théorie pour choisir l'acte qu'on va accomplir : c'est la sottise. On peut aussi s'en servir pour justifier l'acte qu'on a accompli : c'est de l'habileté.

On croit d'abord qu'on travaille pour soi ; on se figure ensuite qu'on travaille pour sa femme ; on est persuadé plus tard qu'on travaille pour ses enfants ; on s'aperçoit en fin de compte que, pendant tout le temps, on a travaillé pour travailler.

Le rôle fondamental du juriste, comme celui de l'avocat, est moins de déterminer si une cause est bonne ou mauvaise, que de découvrir ce qu'il y a de bons dans les plus mauvaises causes.

Dieu n'a créé que le ciel et la terre l'Autodidacte a fait mieux : il s'est créé lui-même.

La publicité s'impose ou n'est pas. On ne réussit pas auprès de la foule par la discrétion et le marivaudage. La publicité, c'est le viol.

Consulter : Façon respectueuse de demander à quelqu'un d'être de votre avis.

Les comparaisons ne sont pas des raisons ; mais, pour persuader, elles valent souvent mieux.

De toutes les formes de l'esclavage, la plus étroite est celle de Maître.

L'argent est comme la foule qui s'entasse dans le café où il y a foule et déserte le café d'en face, non parce qu'on y est mal servi, mais parce qu'il est vide.

Il pensait que l'acte qu'on accomplit a moins d'importance que la manière de l'accomplir, et que l'unité d'action vers un but médiocre vaut mieux que le désordre avec des buts élevés. Ainsi satisfaisait-il à la fois sa logique, sa prudence et sa paresse.

La décision qu’on prend est de peu d’importance : l’important c’est de s’y tenir.


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