samedi 26 décembre 2009

Carson McCullers

Romancière et poète étatsuniene (1917-1967).

La pierre n'est plus la pierre

Il fut un temps où la pierre était pierre,
Chaque visage dans la rue un visage parfait.
Entre Dieu, la Chose et moi-même
L'harmonie régnait aussitôt.
Tu as changé mon univers et la trinité s'est perdue :
La pierre n'est plus la pierre,
Comme aux figures surgies d'un rêve, il manque quelque chose à chaque visage,
Tant que sur le visage imparfait d'un enfant
Je n'ai pas reconnu ton visage d'exilé.
Le soldat gravit l'escalier lumineux où ton ombre se perd.
Cette nuit, la chambre éclatée dormira
Dans un brasier d'étoiles que tu fais se lever.
Quand nous sommes perdus, quelle image invoquer?
Néant égal néant. Mais néant
N'est pas vide. Il préfigure l'Enfer :
De ces heures épiées dans les journées d'hiver, étoiles maléfiques,
Demandant qu'on les meuble. Toutes séparées,
L'air entre elles.
Terreur. Vient-elle du Temps? de l'Espace?
De l'imposture des deux notions qui se confondent?
Pour qui est perdu, ruine parmi les ruines qu'il s'impose,
Toute absence d'air (imposture là encore, peut-être)
Est angoisse immobile.
Cependant que le temps,
Imbécile éternel, traverse le monde en hurlant.

Traduction Jacques Tournier

Aucun commentaire: