Romancier, dramaturge et poète belge, Hugo Claus est né le 5 avril 1929 à Bruges.
Considéré comme le plus grand représentant de la culture d'expression néerlandaise, récipiendaire de plusieurs prix littéraires importants, maintes fois pressenti pour le Prix Nobel, il met fin à ses jours le 19 mars 2008 à Anvers pour échapper aux tourments de la maladie d'Alzheimer qui le ronge.
Hugo Claus était aussi peintre à ses heures...
UN HORLA
Nulle maison si noire
Que je ne puisse y habiter
Ni de mes mains en parcourir les murs
Nul matin si blanc
Que je ne m’y réveille
Comme dans un lit
Ainsi je vis et veille dans cette maison
Dressée entre nuit et matin
Et me promène à fleur de nerfs
Et fouille de mes dix doigts griffus
Chaque corps résigné qui s’approche
Tout en disant des mots chastes comme :
Pluie et vent pomme et pain
Lourd et sombre sang des femmes
RESPIRER
Respirer – regarder – aucun désir
Je vois la terre en jachère et la route
dans la lumière.
Des tiges, de l’herbe nouvelle, et où commence l’asphalte :
midi avec son ombre raccourcie
J’ai beau être édenté
de chagrin après toutes ces années,
je reste, je le crois, l’artisan de mon devenir ;
Je suis ce que je trace, une ombre raccourcie,
un hasard dans la lumière du monde.
A LA MER
As-tu aussi appris, mon amour, les signes
du tombeau sous la vague ?
Le nageur lit,
oublie, coule.
On a dressé des épouvantails sur le sable,
on a balisé la nature avec des mots.
L’enfant patine,
oublie, gèle.
As-tu aussi été submergée, mon amour, par tant d’écume
admonestatoire, nages-tu aussi en haute mer
comme dans un piège ?
Ou te trouverai-je au creux du sable,
dans la bonne odeur de l’instant ?
LES MASQUES
Le masque, bien de chez nous,
nous va bien.
Le Mardi-Gras sommes chiens bariolés.
Affublons notre enfant d’un museau de monstre ;
- faut qu’il apprenne lui aussi à camoufler le péché –
Et nous-mêmes et notre amour, prisonniers sommes
de cette gueule qui aboie,
de cette trompe qui crécelle.
Oreilles – sémaphores,
tête de mort,
regard de suif,
lèvres hoquetantes de mollusques,
laine de chèvre plein le mufle.
Oh comme on s’empresse de l’épouser jusqu’au moindre pli,
notre peau de carton,
comme on épie, comme on pépie par en dessous.
Car encapsulé de la sorte, nul ne peut dépérir,
ainsi emmaillotés, lorsque se figera notre cocon,
nous resterons en vie. Comme des crevettes, pour l’éternité.
Fuir dans la danse et le cri
C’est affirmer que l’on vit
comme il sied au masque, notre prochain,
(pas à nos visages flamands et jacassants de nains).
lundi 21 juin 2010
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