dimanche 2 avril 2017

Oscar et la Dame Rose


Oscar est un jeune garçon de 10 ans.
Il vit à l'hôpital car il est malade. Gravement malade.
Il sait qu'il va mourir et ne comprend pas que ses parents soient tellement effrayés par ce qui l'attend.
C'est là qu'il rencontre une drôle de femme : elle prétend être une ancienne catcheuse professionnelle et va se prendre d'affection pour l'enfant.
Mieux, elle va l'aider à affronter les derniers jours de sa courte vie en écrivant, sous forme de lettres à Dieu, leur déroulement comme si une journée valait 10 ans.
Oscar va donc vivre ainsi l'équivalent de 100 ans, couchant sur papier ce qu'il vit, ce qu'il pense, ce qu'il ressent.

Le livre est une compilation de ces courriers, faite par Mamie Rose, le dernier jour.

Véritable recueil philosophique sur l'existence, l'amour, la mort, ce court roman est une leçon de vie et un regard original sur la religion chrétienne.

-Et pourquoi est-ce que j'écrirais à Dieu ?
- Tu te sentirais mois seul.
- Moins seul avec quelqu'un qui n'existe pas ?
- Fais-le exister.
Elle s'est penchée vers moi.
- Chaque fois que tu croiras en lui, il existera un peu plus. Si tu persistes, il existera coplètement. Alors, il te fera du bien.
- Qu'est-ce que je peux lui écrire ?
- Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas.

"Mamie-Rose, j'ai l'impression que, dans le Dictionnaire Médical, il n'y a que des trucs particuliers, des problèmes qui peuvent arriver à tel ou tel bonhomme. Mais il n'y a pas les choses qui nous concernent tous : la Vie, la Mort, la Foi, Dieu.
- Il faudrait peut-être prendre un Dictionnaire de philosophie, Oscar. Cependant, même si tu trouves bien les idées que tu cherches, tu risques d'être déçu aussi. Il propose plusieurs réponses très différentes pour chaque notion.
- Comment ça se fait ?
- Les questions les plus intéressantes restent des questions. Elles enveloppent un mystère. A chaque réponse, on doit joindre un "peut-être". Il n'y a que les questions sans intérêt qui ont une réponse définitive.
- Vous voulez dire qu'à "Vie", il n'y a pas de solution ?
- Je veux dire qu'à "Vie", il y a plusieurs solutions, donc pas de solution.
- Moi, c'est ce que je pense, Mamie-Rose, il n'y a pas de solution à la vie sinon vivre.

J'ai essayé d'expliquer à mes parents que la vie, c'était un drôle de cadeau. Au départ, on le surestime, ce cadeau: on croit avoir reçu la vie éternelle. Après, on le sous-estime, on le trouve pourri, trop court, on serait presque prêt à le jeter. Enfin, on se rend compte que ce n'était pas un cadeau, mais juste un prêt. Alors on essaie de le mériter. Moi qui ai cent ans, je sais de quoi je parle. Plus on vieillit, plus faut faire preuve de goût pour apprécier la vie. On doit devenir raffiné, artiste. N'importe quel crétin peut jouir de la vie à dix ou à vingt ans, mais à cent, quand on ne peut plus bouger, faut user de son intelligence.

Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas.

Les gens craignent de mourir parce qu'ils redoutent l'inconnu. Mais justement, qu'est ce que l'inconnu? Je te propose Oscar, de ne pas avoir peur mais d'avoir confiance.

Si je m'intéresse à ce que pensent les cons, je n'aurai plus de temps pour ce que pensent les gens intelligents.

Dieu j'ai un truc à te demander, je serais d'accord pour une petite visite.
Une visite en esprit. Je trouve ça très fort. J'aimerai bien que tu m'en fasses une. Je suis ouvrable de 8h du matin à 9 h du soir. Le reste du temps je dors. Mais parfois dans la journée je pique des petits roupillons à cause des traitements. Mais si tu me trouves comme ça, n'hésite pas à me réveiller. Ca serait con de se rater à une minute près.

Et là, j'ai deviné que tu venais. Tu avais du mal mais tu insistais. Le ciel palissait. Tu gonflais les airs de blanc, de gris, de bleu, tu repoussais la nuit, tu ravivais le monde. C'est là que j'ai compris la différence entre toi et nous : Tu es le mec infatigable ! Celui qui ne se lasse pas. Toujours au travail. Et voilà du jour, et voilà de la nuit ! Et voilà le printemps ! Et voilà l'hiver ! Et voilà Peggy Blue, et voilà Mamie Rose ! J'ai compris que tu étais là. Que tu me disais ton secret : Regarde le monde comme ci c'était la première fois. Alors j'ai suivi ton conseil et je me suis appliqué. La première fois. Je contemplais la lumière, les couleurs, les arbres, les oiseaux, les animaux. Je sentais l'air passer dans mes narines et me faire respirer. J'entendais les voix qui montaient dans le couloir comme dans la voûte d'une cathédrale. Je me trouvais vivant. Je frissonnais de pure joie. Le bonheur d'exister. J'étais émerveillé. Merci, Dieu, d'avoir fait ça pour moi. J'avais l'impression que tu me prenais par la main et que tu m'emmenais au coeur du mystère contempler le mystère. Merci

La maladie c'est comme la mort. C'est un fait. Ce n'est pas une punition.

Cher Dieu,
Le petit garçon est mort.
Je serai toujours dame rose mais je serai plus Mamie-Rose. Je ne l’étais que pour Oscar. Il s’est éteint ce matin, pendant la demi-heure où ses parents et moi nous sommes allées prendre un café. Il a fait ça sans nous. Je pense qu’il a attendu ce moment-là pour nous épargner
Comme s’il voulait nous éviter la violence de le voir disparaître.
C’était lui, en fait, qui veillait sur nous.
J’ai le cœur gros, j’ai le cœur lourd, Oscar y habite et je ne peux pas le chasser. Il faut que je garde encore mes larmes pour moi, jusqu’à ce soir, parce que je ne veux pas comparer la peine à celle, insurmontable, de ses parents.
Merci de m’avoir fait connaître Oscar. Grâce à lui, j’étais drôle, j’inventais des légendes, je m’y connaissais même en catch. Grâce à lui j’ai ri, et j’ai connu la joie. Il m’a aidée à croire en toi. Je suis pleine d’amour, ça me brûle, il m’en a tant donnée que j’en ai pour toutes les années à venir.

A bientôt,
Mamie-rose.

PS: Les trois derniers jours, Oscar avait posé une pancarte sur sa table de chevet. Je crois que cela te concerne. Il y avait écrit : « Seul Dieu a le droit de me réveiller.»

Paru en 2002 sous la plume d'Eric-Emmanuel Schmitt


 cet ouvrage fait partie de sa suite romanesque "Le Cycle de l'Invisible".

En 2009, il adapte son roman au cinéma : 


Voici la bande annonce :



Et le début du film :



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