vendredi 16 août 2019

Chairil Anwar, l'âme poétique de l'Indonésie


Chairil Anwar est né le 26 juillet 1922 à Medan dans le nord de l'ile indonésienne de Sumatra.

Enfant gâté, il suit sa mère à Batavia ( aujourd'hui Djakarta) après le divorce de ses parents.
Comme l'archipel est alors colonie néerlandaise, il fréquente l'école des indigènes.

Attiré par la scène littéraire, il abandonne ses études mais est néanmoins capable de s'exprimer en anglais, hollandais et allemand.

Il publie son premier poème en 1942 mais les suivants peinent à trouver un éditeur tant son style innovant va à l'encontre des traditions locales et même asiatiques.
L'occupation japonaise de l'Indonésie engendre censure et difficultés pour Anwar ainsi que pour un groupe de jeunes auteurs et poètes, connus sous le nom de 1945 Génération.

Ce n'est qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale que sa notoriété prend son essor.
La publication en 1949 de son recueil Deru Campur Debu le consacre.

Sa poésie utilise un langage simple et a contribué à structurer la langue indonésienne.
Aujourd'hui, son oeuvre a suscité plus d'études publiées que tous les autres auteurs nationaux réunis.

Chairil Anwar, au terme d'une vie agitée et cahotique, s'éteint de syphilis ou du typhus le 28 avril 1949.

Pines in the distance

Pines scatter in the distance,
as day becomes night,
branches slap weakly at the window,
pushed by a sultry wind.

I'm now a person who can survive,
so long ago I left childhood behind,
though once there was something,
that now counts for nothing at all.

Life is but postponement of defeat,
a growing estrangement from youth's unfettered love
a knowing there's always something left unsaid,
before we finally acquiesce

Les pins se dispersent au loin, 
alors que le jour devient la nuit, 
des branches claquent faiblement à la fenêtre, 
poussées par un vent soufflant. 

Je suis maintenant une personne qui peut survivre, 
il y a si longtemps que j'ai abandonné mon enfance, 
bien que jadis, il y avait quelque chose 
qui ne compte plus pour le moment. 

La vie n'est que le report de la défaite, 
l'éloignement croissant de l'amour sans entrave de la jeunesse, 
le fait de savoir qu'il y a toujours quelque chose qui reste non dit, 
avant d'acquiescer finalement.

Aku

If my time should come
I'd like no one to entice me
Not even you
No need for those sobs and cries

I am but a wild animal
Cut from its kind

Though bullets should pierce my skin
I shall still strike and march forth

Wounds and poison shall I take aflee. Aflee
'Til the pain and pang should disappear

And I should care even less

I want to live
for another thousand years 

Si mon temps devait arriver, 
je ne voudrais pas que quelqu'un m'attire 
Pas même toi 
Pas besoin de ces sanglots et de ces pleurs 


Je ne suis qu'un animal sauvage 
Coupé de son espèce 


Bien que des balles me transpercent la peau, 
je vais quand même frapper et avancer 


De plaies et de poison dois-je prendre une fuite. 
Après la douleur et la douleur devraient disparaître 


Et je devrais m'en soucier encore moins 


Je veux vivre 
encore mille ans

My friens and I

We share the same path, late at night 
with the fog, penetrating 
and the rain, drenching our bodies.

Ships freeze in the harbor.

My blood curdles. My mind congeals.

Who is it that speaks? 
My friend is but a skeleton 
scourged of his strength.

He asks the time!

It is so late. 
All meaning has sunk and drowned 
and motion has no purpose.

For L.K. Bohang

Nous partageons le même chemin, tard dans la nuit 
avec le brouillard, pénétrant 
et la pluie, trempant nos corps. 

Les navires gèlent dans le port. 

Mon sang caille. Mon esprit se fige. 

Qui est-ce qui parle? 
Mon ami n'est qu'un squelette 
flétri de sa force. 

Il demande l'heure! 

Il est si tard 
Tout le sens a coulé et s'est noyé 
et le mouvement n'a aucun but. 

Pour LK Bohang


Announcement

To dictate is not my intent,
Fate is separate loneliness-es.
I choose you from among the rest, but
in a moment we are snared by loneliness once more.
There was a time I truly wanted you,
to be as children in crowning darkness,
and we kissed and fondled, not tiring.
I did not want to ever let you go.
Do not unite your life with mine,
for I cannot be with anyone for very long
I write now on a ship, in some nameless sea.

Dicter n'est pas mon intention, 
le destin est une solitude séparée. 
Je vous choisis parmi le reste, 
mais dans un instant,
 nous sommes à nouveau pris au piège de la solitude. 
Il fut un temps où je voulais vraiment que vous 
soyez comme des enfants dans l’obscurité suprême, 
et nous nous sommes embrassés et caressés sans nous fatiguer. 
Je ne voulais pas te laisser partir. 
Ne réunissez pas votre vie avec la mienne, 
car je ne peux rester longtemps avec personne. 
J'écris maintenant sur un navire, dans une mer sans nom.

Parting

Togethjer we braid flowers
Into a delicate, fragrant bouquet
Returning home, happy
As the red ball drop down from the sky.

At the side-road, we part.
The bouquet trembles in our hands,
Falls, and breaks in two.

I take one half, you the other
And, holding it firmly, you are gone...

I walk alone in the dusk
You run away with only the flower
Sending the sent to me...

Ensemble, nous avons cueilli des fleurs
En un délicat et odorant bouquet
Retournant à la maison, heureux
Comme le soleil rouge tombait du ciel.

Sur le chemin nous nous sommes séparés
Le bouquet tremblait dans nos mains
Tomba et se brisa en deux.

Je pris une moitié, toi l'autre
Et le tenant fermement, tu es parti...

Je marche seul dans le crépuscule
Tu t'éloignes en courant avec les fleurs
En m'envoyant leur perfum....

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