jeudi 17 octobre 2019

Stéphen Liégeard ou les caprices de la postérité


Ne faites pas semblant de chercher vous ne le connaissez pas.

Stephen Liégeard - de ses prénoms complets François Stéphène Emile - naquit le 29 mars 1830 à Dijon.

Son père Jean-Baptiste, fut le maire de la ville de 1863 à 1865.
Après de brillantes études au lycée de la ville, le jeune Stéphen s'inscrit comme avocat au barreau de Dijon en 1854.

Bonapartiste, il entre dans l'administration préfectorale en 1856, nommé sous-préfet d'abord à Briey - où il se marie - puis à Parthenay en 1861 et enfin à Carpentras en 1864.

C'est là qu'il fait la connaissance  d'Alphonse Daudet.
L'écrivain, surprenant des bribes de poésies sur le bureau de Liégeard.

Comme ceux-ci peut être :

VIRGILE

Par la porte d’ivoire, au seuil des nuits sereines,
Voici venir le Songe, enfant du pâle azur ;
De son char de saphir sa main saisit les rênes,
Puis les bleus papillons l’entraînent d’un vol sûr.

Il passe, et son bruit, doux comme un chant de sirènes,
Berce, dans son sommeil, la vierge, ce lis pur.
II sème des bleuets sur l’oreiller des reines,
Il pique un rayon d’or au toit le plus obscur.

Alors, dans l’âme en deuil, tout est joie et lumière ;
Le pâtre devient prince, et palais la chaumière :
On combat, on triomphe, on aime, on est aimé…

Mais l’aube, en souriant, le chasse, à coups de roses,
Et le Songe qui fuit les paupières mi-closes
Y laisse, perle humide, un long pleur embaumé.
(Rêves et Combats)


OCTOBRE

Déjà, dans le grand parc, le hêtre se défeuille,
Ridant de son or roux le miroir des bassins ;
L’églantine, bercée aux bras du chèvrefeuille,
Egrène son corail sur les buissons voisins.
Ah ! qu’elle a meilleur prix, la fleur qu’alors on cueille !
Qu’il est bleu, le rayon où dansent mille essaims !
Comme l’herbe des bois qui, mourante, l’accueille,
Au rêveur égaré fait d’odorants coussins !
Ainsi de ton soleil, Octobre de la vie…
Sa clarté ne sera de nulle autre suivie ;
S’y noyer, pour le cœur reste un besoin jaloux…
Donc, qu’au dernier rameau fleurisse la tendresse !
Si moins vive est l’ardeur, plus longue est la caresse,
Et la lèvre pâlie a le baiser plus doux.


(Les Saisons et les Mois)

L'écrivain est amusé et impressionné par le paradoxe de l'administrateur sensible au chant d' Erato.


Dans son recueil, Les Lettres de mon Moulin, Daudet raconte dans sa nouvelle "Le Sous-Préfet aux Champs" l'anecdote suivante :

M. le sous-préfet doit prononcer un discours lors du concours régional de Combe-aux-Fées. L’inspiration lui manque. En chemin, il s’arrête dans un petit bois afin d’y rédiger son intervention. Le fonctionnaire est en réalité un poète. La nature environnante l’incite à composer des vers plutôt qu’à écrire son fameux discours.


Ce pauvre Liégeard !
Il fut un administrateur reconnu, intègre et apprécié.
Il fut élu député, toujours fidèle à Napoléon III.
Ses poèmes rencontrèrent un succès d'estime mais ne lui ont pas permis d'entrer à l'Académie Française, battu plusieurs fois.
D'ailleurs, Léon Daudet avança l'hypothèse suivante : en l'élisant, les académiciens se seraient privés des bonnes bouteilles que Liégeard, propriétaire du domaine de Brochon, envoyait avant chaque élection.

Et la postérité ne reteint que son invention de l'expression "Côte d'azur" en lieu et place de "Riviera" pour qualifier la région entre Marseille et Menton dans un guide éponyme.

Redevenu avocat à la chute du Second Empire, il continue d'écrire jusqu'à sa mort le 29 décembre 1925 à Cannes.


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