samedi 17 janvier 2015

Marceline Desbordes-Valmore


Vous ne reconnaissez pas cette femme ? Rien de surprenant, il s'agit d'un précurseur des lettres et de la poésie en particuliers, malheureusement oublié aujourd'hui.

Marceline Desbordes-Valmore naquit le 20 juin 1786 à Douai.
Après une année en Guadeloupe, à l'adolescence, elle revient dans son Nord natal pour y entamer une carrière de comédienne et chanteuse.
Tout d'abord engagée dans des productions locales, au Théâtre à l'italienne de Douai, elle se produit - grâce à sa rencontre avec le compositeur Grétry - ensuite à l'Odéon et à l'Opéra Comique à Paris, comme au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles.

A partir de 1806, elle vit une relation passionnée avec le journaliste et écrivain Henri de Latouche, pendant une trentaine d'années, en dépit de son mariage avec un comédien, Prosper Lanchantin.

C'est en 1819 que cette femme, autodidacte sans éducation selon ses propres dires, publie son premier recueil de poèmes, Elégies et Romances.

Elégies et Poésies nouvelles, Pleurs, Pauvres Fleurs et Bouquets et Prières suivront, ainsi que ses contes et nouvelles pour enfants et une autobiographie dans laquelle elle évoque les difficultés pour une femme à se faire reconnaître comme artiste.


Marceline Desbordes-Valmore s'éteint le 23 juillet 1859 à Paris.

Considérée comme une poétesse d'avant garde à son époque, et par les plus grands - Balzac, Beaudelaire, Sainte-Beuve et surtout Verlaine - elle a ouvert la voie à la poésie moderne tout en étant une des premières grandes versificatrices romantiques.

Son Image comme un Songe

Son image, comme un songe,
Partout s’attache à mon sort ;
Dans l’eau pure où je me plonge
Elle me poursuit encor :
Je me livre en vain, tremblante,
À sa mobile fraîcheur,
L’image toujours brûlante
Se sauve au fond de mon cœur.

Pour respirer de ses charmes
Si je regarde les cieux,
Entre le ciel et mes larmes,
Elle voltige à mes yeux,
Plus tendre que le perfide,
Dont le volage désir
Fuit comme le flot limpide,
Que ma main n’a pu saisir.

La Lune des Fleurs

Douce lune des fleurs, j’ai perdu ma couronne !
Je ne sais quel orage a passé sur ces bords.
Des chants de l’espérance il éteint les accords,
      Et dans la nuit qui m’environne,
Douce lune des fleurs, j’ai perdu ma couronne.

Jette-moi tes présents, lune mystérieuse,
De mon front qui pâlit ranime les couleurs ;
J’ai perdu ma couronne et j’ai trouvé des pleurs ;
      Loin de la foule curieuse,
Jette-moi tes présents, lune mystérieuse.

Entrouvre d’un rayon les noires violettes,
Douces comme les yeux du séduisant amour.
Tes humides baisers hâteront leur retour.
      Pour cacher mes larmes muettes,
Entrouvre d’un rayon les noires violettes !

Les Roses de Saadi

J’ai voulu ce matin te rapporter des roses ;
Mais j’en avais tant pris dans mes ceintures closes
Que les nœuds trop serrés n'ont pu les contenir.

Les nœuds ont éclaté. Les roses, envolées
Dans le vent, à la mer s'en sont toutes allées.
Elles ont suivi l’eau pour ne plus revenir ;

La vague en a paru rouge et comme enflammée.
Ce soir, ma robe encore en est tout embaumée...
Respires-en sur moi l’odorant souvenir.

Qu'en avez-vous fait ?

Vous aviez mon cœur,
Moi, j’avais le vôtre :
Un cœur pour un cœur ;
Bonheur pour bonheur !

Le vôtre est rendu,
Je n’en ai plus d’autre ;
Le vôtre est rendu,
Le mien est perdu !

La feuille et la fleur
Et le fruit lui-même,
La feuille et la fleur,
L’encens, la couleur :

Qu’en avez-vous fait,
Mon maître suprême ?
Qu’en avez-vous fait,
De ce doux bienfait ?

Comme un pauvre enfant
Quitté par sa mère,
Comme un pauvre enfant
Que rien ne défend,

Vous me laissez là,
Dans ma vie amère ;
Vous me laissez là,
Et Dieu voit cela !

Savez-vous qu’un jour
L’homme est seul au monde ?
Savez-vous qu’un jour
Il revoit l’amour ?

Vous appellerez,
Sans qu’on vous réponde,
Vous appellerez ;
Et vous songerez ! ...

Vous viendrez rêvant
Sonner à ma porte ;
Ami comme avant,
Vous viendrez rêvant .

Et l’on vous dira :
« Personne ! ... elle est morte. »
On vous le dira ;
Mais qui vous plaindra ?

Mais vous connaissez sans doute ce dernier texte :

N'écris pas (Les Séparés)

N’écris pas. Je suis triste, et je voudrais m’éteindre.
Les beaux étés sans toi, c’est la nuit sans flambeau.
J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre,
Et frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau.
                N’écris pas !

N’écris pas. N’apprenons qu’à mourir à nous-mêmes.
Ne demande qu’à Dieu… qu’à toi, si je t’aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m’aimes,
C’est entendre le ciel sans y monter jamais.
                N’écris pas !

N’écris pas. Je te crains ; j’ai peur de ma mémoire :
Elle a gardé ta voix qui m’appelle souvent.
Ne montre pas l’eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.
                N’écris pas !

N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu’un baiser les empreint sur mon cœur.
                N’écris pas !

Il fut, en effet, mis en musique en 1997 par Julien Clerc.
Le voici, en duo avec Isabelle Boulay, en 2005 :



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