lundi 2 février 2009

Fernando Pessoa


Fernando Antonio Nogueira Pessoa , né et mort à Lisbonne (Portugal), 13 juin 1888 - 30 novembre 1935.

Poète et écrivain lusitanien, il utilisa environ 30 pseudonymes différents pour signer ses oeuvres
Ce n'est qu'après sa mort qu'on put faire un inventaire exhaustif de son oeuvre et relier ces signatures variées entre elles...

Cette relative dispersion l'empêcha sans doute de recevoir les honneurs que son immense talent aurait dû lui valoir (comme le Nobel par exemple) : sa pensée unique et originale en font l'un des auteurs les plus importants de la littérature universelle.

C'est aujourd'hui l'orgueil de sa patrie et si vous vous promenez dans Lisbonne, au coin d'une rue dans le quartier du Chiado, devant le café A Brasileira, vous le verrez, assis à sa table, qui contemple la vie qui passe...

Nous sommes pour moitié ce que nous sommes
et pour moitié ce que nous pensons être.

Dans le torrent, une moitié parvient à la rive,
l'autre se noie.


J'aime...

J'aime ce que je vois parce que je cesserai
Un jour ou l'autre de le voir.
Je l'aime aussi parce qu'il est.

Dans cet intervalle placide où je suis ma propre fiction,
D'aimer, bien plus que d'être,
J'aime qu'il y ait tout et que je sois.

Mieux ne sauraient m'offrir, s'ils revenaient,
Les dieux primitifs
Car, eux non plus, ne savent rien.


Sensationnalisme

Celui qui a entendu mes vers m'a dit : "Qu'y a-t-il là de nouveau ?"
Tout le monde sait qu"une fleur est une fleur et qu'un arbre est un arbre.
Mais moi j'ai répondu : "Tout le monde ? voire..."
Car tout le monde aime les fleurs parce qu'elles sont belles, et moi je suis différent.
Et tout le monde aime les arbres parce qu'ils sont verts et donnent de l'ombre, mais pas moi.
J'aime les fleurs parce qu'elles sont des fleurs, directement.
J'aime les arbres parce qu'ils sont des arbres, sans ma pensée.



Futurisme

Je ne sais. Une sens me fait défaut, une prise
sur la vie, sur l'amour, sur la gloire...
A quoi bon une quelconque histoire,
un quelconque destin ?

Je suis seul, d'une solitude jamais atteinte,
creux en dedans, sans futur ni passé.
Sans me voir, semble-t-il, s'écoulent les instants,
mais ils passent sans que leur pas soit léger.

Je prends un livre, mais ce qui reste à lire déjà me lasse.
veux-je penser, ma conclusion d'avance me fait mal.
Le rêve me pèse avant d'être rêvé. Sentir
a terriblement l'air du déjà vu.

N'être rien, être une figure de roman,
sans vie, sans mort matérielle, une idée,
une chose que rien ne rende utile ou laide,
une ombre sur un sol irréel, un songe épouvanté...


Mer portugaise

La mer salée, combien de ton sel
Est fait des larmes du Portugal !

Parce que nous t'avons franchie,

que de mères ont pleuré !

Que d'enfants ont en vain prié !

Que de fiancées ne se sont pas mariées,

Pour que tu sois nôtre, ô mer !


Cela en valait-il la peine ? Tout vaut la peine
Si l'âme n'est pas mesquine.
Qui veut dépasser le Cap Bojador
Doit dépasser le douleur.
Dieu a donné à la mer l'abîme et le péril
Mais c'est sur elle qu'Il a reflété le ciel.



Ode maritime

Viens, Nuit extatique et silencieuse,
Viens envelopper dans la nuit manteau blanc
Mon coeur...

Sereinement comme une brise dans l'après-midi
légère,
Paisiblement, comme la caresse d'une mère,

Avec les étoiles brillant au creux de tes mains,

Et la lune mystérieuse masque sur ton visage.

Tous les sons résonnent d'une autre manière

Lorsque tu viens.


Lorsque tu entres toutes les voix s'éteignent,
Personne ne te voit entrer,

Personne ne sait que tu es entrée,

Sinon en voyant soudain que tout de recueille,

Que tout perd ses arêtes et ses couleurs,

Et qu'au firmament encore bleu clair,

Croissant parfaitement dessiné, ou cercle blanc,

ou simple lumière nouvelle qui vient,

La lune commence à être réelle.


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