mardi 13 octobre 2009

Ahmad Shamlou

Poète iranien (1925- 2000)
Né et mort à Téhéran.

Rénovateur de la poésie persane, il mêla savamment les images concrètes et abstraites, déconcertant ainsi les habitudes des amateurs de la tradition.
Ses textes sont d'un abord plus facile pour les lecteurs occidentaux et furent abondamment traduits.

Il eut à lutter sur la fin de sa vie pour sa liberté d'expression face au régime des mollahs.


Elégie

En te cherchant
au seuil de la montagne je pleure
Au seuil de la mer et de l'herbe.

En te cherchant
au passage des vents je pleure
Au carrefour des saisons,
Dans le châssis cassé d'une fenêtre qui prend
Le ciel enduit de nuages
Dans un vieux cadre.

En attendant ton image
Ce cahier vide
Jusqu'à quand
Jusqu'à quand
Se laissera-t'il tourner les pages?

Accueillir le flux du vent et de l'amour
Dont la soeur est la mort
Et l'éternité
Son mystère qu'elle t'a soufflé
Tu devins alors le corps d'un trésor
Essentiel et désirable
Comme un trésor
Par qui la possession de la terre et des pays
Est devenue ce que le coeur accueille.

Ton nom est un moment d'aurore qui sur le front du ciel passe
- Que ton nom soit béni! -

Et nous encore
Nous revoyons
La nuit et le jour
et l'encore.

L'Air Frais (1957) - traduction Mohammad Torabi et Yves Ros


En cette impasse

On vient sentir ta bouche
Que tu n'aies dit je t'aime
On vient sentir ton coeur
Quelle étrange époque vivons-nous, ma toute gracieuse
Quant à l'amour,
On lui donne le fouet
Le long des remparts sentinelles
L'amour, on l'enfouit au fond d'une arrière-cour
En cette impasse torve, torturée par le froid
Brille l'amour
Par la grâce nourricière des chants et des poèmes
Ne te risque pas à penser, ma toute gracieuse
Quelle étrange époque vivons-nous
Celui qui, nuitamment, martèle à notre porte
Est venu en meurtrier de la lampe
La lumière, on l'enfouit au fond d'une arrière-cour
Et voici que viennent les bouchers
Veillant à tout passage
Ils apportent la planche et les hachoirs en sang
Quelle étrange époque vivons-nous, ma toute gracieuse
Et ils équarrissent le sourire sur les lèvres
Et les chants sur la bouche
La joie, on l'enfouit au fond d'une arrière-cour
Les canaris sont couchés sur la braise,
brûlante de jasmin et de lys
Quelle étrange époque vivons-nous, ma toute gracieuse
Iblis* est triomphant,
Ivre, attablé au banquet de nos deuils
Dieu, on l'enfouit au fond d'une arrière-cour.

Petits poèmes de l'exil (1979) - traduction Reza Afchar Naderi

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