mardi 17 mars 2009

Cimetière marin

Oeuvre phare de Paul Valéry (1871-1945) en voici quelques strophes :


Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes ;

Midi le juste y compose de feux

La mer, la mer, toujours recommencée


Ô récompense après une pensée

Qu’un long regard sur le calme des dieux !

Quel pur travail de fins éclairs consume

Maint diamant d’imperceptible écume,


Et quelle paix semble se concevoir !

Quand sur l’abîme un soleil se repose,

Ouvrages purs d’une éternelle cause,

Le Temps scintille et le Songe est savoir.

Stable trésor, temple simple à Minerve,

Masse de calme, et visible réserve,

Eau sourcilleuse, Œil qui gardes en toi

Tant de sommeil sous un voile de flamme,


Ô mon silence !…Édifice dans l’âme,

Mais comble d’or aux mille tuiles, Toit !
Temple du Temps, qu’un seul soupir résume,

À ce point pur je monte et m’accoutume,

Tout entouré de mon regard marin ;

Et comme aux dieux mon offrande suprême,

La scintillation sereine sème
Sur l’altitude un dédain souverain.


Comme le fruit se fond en jouissance,

Comme en délice il change son absence

Dans une bouche où sa forme se meurt,

Je hume ici ma future fumée,


Et le ciel chante à l’âme consumée

Le changement des rives en rumeur.
Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change !

Après tant d’orgueil, après tant d’étrange


Oisiveté, mais pleine de pouvoir,

Je m’abandonne à ce brillant espace,

Sur les maisons des morts mon ombre passe
Qui m’apprivoise à son frêle mouvoir.


L’âme exposée aux torches du solstice,
Je te soutiens, admirable justice

De la lumière aux armes sans pitié !

Je te tends pure à ta place première,


Regarde-toi !… Mais rendre la lumière

Suppose d’ombre une morne moitié.

Ô pour moi seul, à moi seul, en moi-même,

Auprès d’un cœur, aux sources du poème,

Entre le vide et l’événement pur,
J’attends l’écho de ma grandeur interne,

Amère, sombre, et sonore citerne,

Sonnant dans l’âme un creux toujours futur !
(...)

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