lundi 8 mars 2010

Chantecler

Edmond Rostand, 1868-1918, était un poète et dramaturge français.
Outre le célèbrissime "Cyrano de Bergerac" il a écrit un immortel "L'Aiglon" qui fit la gloire de Sarah Bernardt et cette pièce hors normes, qui ne ressemble à rien de connu à ce jour : "Chantecler".

L'histoire se déroule dans un poulailler où le coq prétend, par son seul chant, faire se lever le soleil...
Parabole sur l'artiste et son rôle, réel ou supposé, cette pièce peut s'étendre à d'autre domaines de la vie sociale, comme la politique ou la science, partout où la parole de quelques uns peut donner l'illusion d'incarner des faits...

Quelques extraits :

Chantecler
[...] Tiens ! Les entends-tu maintenant ?
La Faisane
---------------------------------------- Qui donc ose ?
Chantecler
Ce sont les autres coqs.
La Faisane
-----------------------Ils chantent dans du rose...
Chantecler
Ils croient à la beauté dès qu'ils peuvent la voir.
La Faisane
Ils chantent dans du bleu...
Chantecler
---------------------------- J'ai chanté dans du noir.
- Ma chanson s'éleva dans l'ombre, et la première.
C'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière !

(...)
Chantecler
Je t'adore, Soleil ! ô toi dont la lumière,
Pour bénir chaque front et mûrir chaque miel,
Entrant dans chaque fleur et dans chaque chaumière,
Se divise et demeure entière
Ainsi que l'amour maternel !

Je te chante, et tu peux m'accepter pour ton prêtre,
Toi qui viens dans la cuve où trempe un savon bleu
Et qui choisis, souvent, quand tu veux disparaître,
L'humble vitre d'une fenêtre
Pour lancer ton dernier adieu !

Tu fais tourner les tournesols du presbytère,
Luire le frère d'or que j'ai sur le clocher,
Et quand, par les tilleuls, tu viens avec mystère,
Tu fais bouger des ronds par terre
Si beaux qu'on n'ose plus marcher !

Gloire à toi sur les prés! Gloire à toi dans les vignes !
Sois béni parmi l'herbe et contre les portails !
Dans les yeux des lézards et sur l'aile des cygnes !
Ô toi qui fais les grandes lignes
Et qui fais les petits détails!

C'est toi qui, découpant la soeur jumelle et sombre
Qui se couche et s'allonge au pied de ce qui luit,
De tout ce qui nous charme as su doubler le nombre,
A chaque objet donnant une ombre
Souvent plus charmante que lui !

Je t'adore, Soleil ! Tu mets dans l'air des roses,
Des flammes dans la source, un dieu dans le buisson !
Tu prends un arbre obscur et tu l'apothéoses !
Ô Soleil ! toi sans qui les choses
Ne seraient que ce qu'elles sont !

(...)
Chantecler
Et la preuve...Que je servais à la clarté quand je chantais
C'est que tous les Hiboux sont gais quand je me tais !
Je fais venir l'Aurore et je fais plus !
Car dans les matins gris où tant de pauvres bêtes
S'éveillant sans y voir, n'osent croire au réveil
Le cuivre de mon chant remplace le Soleil.

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